lundi 18 avril 2016

Cameroun: Comment Félix Moumié a été empoisonné par les services secrets français



Le récit du général Aussaresses 

Donc, William [Bechtel] est parti pour la Suisse où s'était réfugié confortablement l'opposant Félix Moumié dans un très bon hôtel de Genève. Mais les choses se passent rarement comme prévu.William s'était adjoint une fille. Les gens ont dit que c'était une fille de " la Maison " [le SDECE], mais c'est faux : il n'y a pas de jolies filles dans le Service. Il a pris une jolie fille qu'il a trouvée quelque part, une blonde très visible […], et tous deux se sont installés dans cet excellent hôtel. Ils ont guetté Moumié. Bechtel savait qu'il était assez cavaleur. Le soir, en passant devant le couple installé à une table du restaurant de l'hôtel, Félix Moumié a bien sûr remarqué que la jeune femme lui avait souri. Aussitôt convaincu qu'il avait tapé dans l'œil de la blonde, cet imbécile lui rend son sourire et s'arrête devant la table. Bechtel s'exclame aussitôt : " Mais, Monsieur, je vous connais ! Nous nous sommes rencontrés au Congrès de la presse agricole, à Helsinki. " Moumié lui répond qu'il n'y était pas. " Ah bon ? Prenez tout de même un verre avec nous ", insiste aimablement notre espion. Moumié accepte : " J'aime beaucoup les boissons françaises, spécialement le Pernod ", dit-il.

Bechtel appelle le serveur : " Garçon, trois Pernod ! " Puis, regardant avec son air de vieil intello sympathique Félix Moumié, il ajoute : " Vous dînerez bien avec nous ? " Moumié, visiblement ravi, s'assied. Les Pernod sont servis. La jeune femme accapare son attention pendant que William verse la dose n° 1. Mais Moumié, trop occupé à parler, ne boit pas. Bechtel, finalement, lève son verre ; la jeune femme prend le sien. Ils regardent l'opposant : " Tchin-tchin ".

Bechtel et la fille boivent. Mais Moumié ne bronche toujours pas, son verre de Pernod reste sur la table. Le repas est servi. Les plats s'enchaînent, arrosés. Félix Moumié ne boit toujours pas. Au moment du fromage, le Camerounais se lève pour aller aux toilettes. Comme vous pouvez vous en douter, Bechtel a versé la deuxième dose dans le verre de vin de son convive. De retour à table, Moumié se lance dans une interminable discussion. Le temps passe. Bechtel et la fille commencent à désespérer. Ils se disent que si ce fichu Camerounais ne boit pas, c'est raté, car ils n'ont pas d'autre dose. Soudain, Moumié s'interrompt et vide d'un trait, coup sur coup, et le verre de Pernod et le verre de vin. Double dose de poison.

William et la fille se regardent, se demandent s'il ne va pas tomber raide mort devant eux. Le père T. avait bien dit : " Surtout pas de double dose. " Quand Moumié remonte à sa chambre, un peu chancelant, William envoie la fille à la réception pour commander un taxi, direction l'aéroport. Il s'agissait de prendre fissa le premier avion pour n'importe où. 

Le lendemain, la femme de ménage frappe à la porte de Félix Moumié. Pas de réponse. Il est découvert très mal en point. Transporté à l'hôpital, il meurt quelques jours plus tard, je ne sais pas exactement combien. Toujours est-il que le docteur, venu constater le décès, refuse le permis d'inhumer et fait venir un médecin légiste, qui découvre très vite des traces de poison dans son sang. Un juge suisse ordonne une enquête de voisinage : on apprend que Moumié avait dîné avec Bechtel et la fille. Cet âne de William Bechtel s'était inscrit à l'hôtel sous son vrai nom. Vous parlez d'un agent! 

Extrait de : "Je n'ai pas tout dit” du Général Paul Aussaresses"  

jeudi 14 avril 2016

LE VÉRITABLE DÉCIDEUR DE LA POLITIQUE AMÉRICAINE : LE COMPLEXE MILITARO- INDUSTRIEL


© Combs cartoon
Article de Khelifa Mahieddine (Avocat)
El Watan, Algérie, 12 janvier 2005

En mai 1988, Géorgyi Arbatov, président de l'Institut des Etats-Unis et du Canada à Moscou, déclara à un journaliste américain de News Week : « Nous allons vous faire une chose terrible, nous allons vous priver d'ennemi. » Cette menace qui s'est réalisée avec l'effondrement de l'URSS s'adressait aux Etats-Unis d'Amérique, et plus particulièrement au Complexe militaro-industriel.

La chute du géant soviétique allait, en effet, priver pour un temps le complexe des dividendes qu’il tirait de la folle course aux armements. Pour combler le vide laissé par l’ennemi communiste, les idéologues américanistes (Think Tanks ou clubs de réflexion) se sont attelés depuis à lui en substituer un autre. Ils l’ont trouvé dans le fondamentalisme musulman que les Etats-Unis utilisèrent jadis, à leur profit et à son insu, en Afghanistan, pour épuiser le grand ours soviétique.

Les prémices de l'attentat du 11 septembre 2001 sont à chercher, entre autres, dans le livre programme de Samuel Hutington "Le Choc des civilisations", paru en 1993. Cet ouvrage a eu pour objectif principal de préparer l'opinion publique américaine et internationale à une croisade des temps modernes, contre le monde musulman et accessoirement la Chine que les stratèges du Pentagone ont déjà classé comme puissance rivale (Peer Competitor), et donc future ennemie, dans un document intitulé "Joint vision 2020". Cette théorie du choc des civisilisations, qualifiée par le défunt Pr Edward W.Saïd de "choc de l'ignorance" est une reprise de l'argumentaire de l'orientaliste Bernard Lewis tiré de son ouvrage, "Les racines de la rage musulmane" (1990)

Genèse du complexe militaro-industriel

Le complexe militaro-industriel est né de la grande dépression des années 1930, caractérisées par une situation économique et sociale des plus chaotiques. Francès Perkins, ministre du Travail du
président Roosevelt, relate dans ses mémoires : « Nous étions dans une situation terrifiante. Les banques fermaient, la vie économique du pays était pratiquement paralysée... » [1]

Roosevelt tenta désespérément de mobiliser ses compatriotes, pour remédier à cette catastrophe dans un discours prononcé en mai 1933 : « Faites quelques chose, et si cela ne marche pas, faites autre chose ! ». Pour remettre sur pied un pays malade de son économie, Roosevelt mit en oeuvre le New Deal. Ce plan fut jugé par les conservateurs White Anglo-Saxon Protestants (WASP) du business et de la communauté scientifique, comme étant d'inspiration socialiste.

Reprenant l'idée du National Research Council [2], fondé en 1917 pour coordonner l'effort industriel de guerre, deux de ses anciens membres, George E. Hale, astrophyscien et Robert Millikan, physicien et président de l'université de Chicago, se proclamant « savant chrétien », organisèrent et mirent sur pied en Californie, dans les années 1935-1936, ce qui fut baptisé plus tard par le président Eisenhower de « Complexe militaro industriel », contre lequel il mit en garde l'Amérique, dans son discours de fin de mandat, prononcé le 17 janvier 1961.


L'activité du complexe se concentra, dans ses débuts, essentiellement sur l'industrie aéronautique parce qu'en pleine expansion et du fait qu'elle répondait le mieux aux objectifs de modernité que se sont assignés ses concepteurs pour sortir l'Amérique de la crise. Le complexe s'est formé sur la base d'initiatives capitalistes privées en rassemblant des scientifiques de renom, sponsorisé par les plus grands milliardaires WASP pour en faire « une entreprise de la science et du business renouvelant la suprématie aryenne sur les rives du Pacifique » [3].

Une base scientifique et expériementale fut développée et mise au service de cette industrie de pointe dans la région de Los Angelès, « qui présentait l'exceptionnelle opportunité d'avoir une population deux fois plus anglo-saxonne que celles de New York, de Chicago ou de n'importe quelle grande ville du pays » [4]. C'est ainsi que naquirent et se développèrent, les compagnies Lockheed (Alan), McDonnel (John), Northrop (John), Douglas (Donald), North América de Dutch (Kinkelberger). Ce ne fut pas la « race aryenne » (WASP) qui sauva l'Amérique de la grande dépression, mais bien la Seconde Guerre mondiale qui donna à son industrie un essor fulgurant tout en donnant du travail à des millions de chômeurs.

Entre 1941 et 1945, 303 218 avions furent construits pour l'armée US, alors que durant l'année 1939, il n'en fut produit que 921. Du côté de l'emploi, la progression fut, elle aussi, extraordinaire : en 1933, le secteur aéronautique utilisait 15 000 personnes ; en 1940, l'effectif monta à 85 000 pour arriver en 1943 à quatre millions d'employés dans ce secteur. John K. Galbraith décrit bien cette situation : « En 1939, on comptait neuf millions de chômeurs aux Etats-Unis, soit 17% de la main d'oeuvre. On en comptait presque autant (14,6%) l'année suivante. C'est alors que la guerre appliqua d'un coup les remèdes de Keynes. Avant 1942, le chômage était réduit presque à rien. » [5]

La grande victoire de 1945 consacra, de manière incontestable, les Etats-Unis dans leur statut de superpuissance, mais aussi et surtout celui du complexe militaro-industriel, comme décideur incontournable, au service des puissants barons de l'industrie capitaliste d'armement et de la pétrochimie. Il ne pouvait donc être question d'abandonner la production d'armements et produits dérivés, d'autant qu'elle employait un pourcentage non négligeable de travailleurs, sous peine de retomber dans les incertitudes des années d'avant-guerre.

Selon le président de Lockheed, il restait en 1948, seize grandes sociétés d'aéronautique. Treize d'entre elles auraient disparu si rien n'était entrepris dans un délai de neuf mois. En effet, ce secteur d'activité qui était classé 43e en 1938 est passé à la première place en 1943. Il retombait au 44e rang en 1947. Il devenait donc urgent pour le complexe militaro-industriel de se trouver un nouvel ennemi. Une formidable campagne médiatique fut alors lancée pour dénoncer l'imminence d'un danger soviétique sur fond de chasse aux sorcières, rendant absolument nécessaire une radicale augmentation du budget alloué au secteur de la défense, qui fut adopté par le Congrès dans le courant de l'année fiscale (mars/mai 1948).

La course aux armements

La mise au point de la bombe atomique en 1949 par l'URSS justifia, a posteriori, cette mise en scène, complétée par l'invasion de la Corée en juin 1950, et un peu plus tard par l'envoi du premier Spoutnik dans l'espace. Le fameux rapport NSC-68, qui constitue le texte de base de la stratégie de la guerre froide, date en fait du 31 janvier 1950.

Tout au long de la guerre froide, les Etats-Unis ont constamment relancé la course aux armements en prétendant à intervalles réguliers que l'Amérique souffrait de « retards » par rapport à l'Union Soviétique. Qu'il s'agisse du nombre de missiles, de la puissance nucléaire ou de la sophistication des armements, les stratèges du complexe se sont toujours arrangés, à présenter l'URSS avec une légère avance qu'il fallait sans cesse rattraper. Ce mensonge a réussi à s'imposer grâce à la complexité des médias américains et de leurs relais en Europe, qui n'ont jamais mis en doute les estimations exagérées de la « menace soviétique » [6]).

D'ailleurs cette propagande, savamment distillée et martelée par les médias de service, a été dénoncée par Herbert York, principal conseiller du président Eisenhower en matière de technologie militaire, qui déclarait en 1970 : « Nous avons constamment gardé le contrôle du rythme et de l'ampleur de la course aux armements. Pendant trente ans, nos initiatives unilatérales et répétées en ont inutilement accéléré l'escalade.» [7] 
Le complexe accorde une grande importance à ce gigantesque brouillage médiatique. Il lui permet de camoufler l'incroyable gaspillage de ressources que constitue la course aux armements, en présentant les Etats-Unis comme « un pays à vocation pacifique » obligé d'assurer « la paix par la force ».

Durant les années Reagan (1981-1988), la course aux armements reprit de plus belle sous le vieux, mais efficace, prétexte que le « retard » des Etats-Unis par rapport à Moscou justifiait un nouvel arsenal pour assurer la « sécurité nationale ». Cela, alors que les dirigeants soviétiques de l'époque s'efforçaient d'obtenir un accord sur le désarmement, tant cette compétition effrénée, avec un adversaire mieux armé sur tous les plans, y compris de la propagande, était en train de menacer leur propre stabilité. On comprend mieux dès lors, la menace proférée par Georgyi Arbatov en mai 1988, à l'adresse du journaliste de Newsweek.

Des États et des médias larbins

L'effondrement de l'Union soviétique donna un coup de frein momentané aux dépenses militaires américaines, ce qui n'était pas fait pour arranger les affaires du complexe. L'Amérique n'ayant plus de réel adversaire militaire à sa mesure, il fallait justifier autrement la nouvelle escalade budgétaire.
L'invasion du Koweït par Saddam Hussein, vicieusement encouragée par l'ambassadrice des Etats-Unis en Irak, vint à point pour donner au complexe le moyen de jeter les bases de l'occupation stratégique de ce que le département d'Etat considère comme « l'un des plus grands enjeux économiques de toute l'histoire de l'humanité ». [8]

L'opération « tempête du désert », montée en 1990, précédée d'une formidable campagne médiatique occidentale sur la « quatrième armée du monde », n'a été que la suite logique de la guerre irako-iranienne. L'objectif non déclaré, mais programmé de ce conflit régional, qui a duré huit ans, était l'affaiblissement des armées en présence et l'essoufflement des forces vives de leurs nations respectives, prélude à une occupation par les troupes américaines de toute cette zone hautement stratégique, Arabie Saoudite comprise. April Glaspie, ambassadrice des Etats-Unis en Irak, en sait quelque chose pour avoir déclaré, lors de son entrevue avec Saddam Hussein le 25 juillet 1990 : « Nous espérons que vous serez en mesure de résoudre cette question par des voies que vous jugerez adéquates... Tout ce que nous espérons, c'est que cette affaire soit résolue au plus vite. » [9] Le piège était ainsi posé. La suite, on la connaît...

Du fond de sa cellule, Saddam Hussein doit se morfondre et méditer sur cet épisode malheureux qui a fait de lui l'une des plus sottes marionnettes de l'histoire de son pays, depuis l'empire assyrien.
Pauvre Babylone ! Manipulant les dirigeants de la région à leur guise, les stratèges WASP du complexe profitent de cette situation, initiée par eux-mêmes, pour déverser leurs stocks d'armement, toujours démodés, aux monarchies et aux républiques de la région. « Si les chiffres ne disent en général pas tout, avec les USA ils disent presque tout. Les Américains eux-mêmes le veulent ainsi : pour eux, l'influence va avec le business, et la stratégie est d'abord une question de "poids" d'armement et de son équivalent en dollars. » [10]

Ainsi, sur la période comprise entre janvier 1990 et décembre 1996, le complexe a écoulé pour 120,3 milliards de dollars d'armements en exportations. L'Arabie Saoudite en a été le premier importateur avec 47,27 milliards de dollars, soit 40% du total. Ce sont là les dividendes de la guerre du Golfe avec en surprime l'installation de bases américaines dans ce pays. En deuxième et troisième positions, on trouve Taiwan, avec 10,83 milliards et le Koweït avec 8,73 milliards. Ces trois pays qui ne représentent que 0,5% de la population mondiale (environ 30 millions d'habitants) achètent 60% du total des exportations d'armements. Viennent ensuite la Corée du Sud, la Turquie, Israël et l'Egypte qui totalisent 24,21 milliards de dollars. [11]

Les maîtres du jeu

D'ailleurs, ce secteur est à ce point vital pour le complexe que depuis 1993 la loi fédérale fait obligation à chaque administration, en début de mandat, d'établir un « Quadriennal Defense Review ». Ce programme constitue non seulement la référence en matière de stratégie de défense des Etats-Unis, mais aussi et surtout une garantie donnée au complexe par les administrations républicaines ou démocrates pour le maintien de sa suprématie industrielle.

Ne pouvant expliquer les colossales dépenses du Pentagone en matière d'armements et d'équipements, l'Administration Bush tente de justifier le niveau budgétaire par les nouvelles menaces, en particulier les « menaces asymétriques » liées au « terrorisme et aux armes biologiques et chimiques ».

Ainsi, le budget du Pentagone a connu une progression spectaculaire. De 290,5 milliards de dollars en 2000, il est passé à 329,9 milliards en 2002 pour atteindre 387,4 milliards en 2004. L'objectif étant d'atteindre 450,9 milliards en 2007. [12] L'attentat du 11 septembre vint (comme par hasard?) légitimer cette nécessaire reconversion, en adaptant l'outil de défense, comme ne cessait de le réclamer la nouvelle Administration républicaine. Et comme le fit remarquer la délégation du Sénat français en visite aux Etats-Unis : « Les premiers enseignements des attaques du 11 septembre ont été intégrés au document qui devait être présenté quelques jours plus tard. Loin d'en imposer la révision ou le remaniement, ils en ont au contraire renforcé la pertinence, venant à l'appui des démonstrations du Pentagone. » [13]

Le « hasard » fait toujours bien les choses pour les stratèges du complexe. Alors que les dirigeants des pays du tiers-monde en sont encore à jouer aux dames, les stratèges WASP du complexe militaro-industriel sont des spécialistes des jeux d'échecs en manipulant certains chefs ou hommes d'Etat du tiers-monde et même d'Europe, comme de vulgaires petits pions, pour préparer leurs coups machiavéliques parfois une décennie à l'avance, si ce n'est plus (le Joint Vision 2020 en est une parfaite illustration).

Il n'est donc pas étonnant, qu'en réaction à ce cynisme et ce mensonge entretenu par les Etats-Unis et leurs différents relais européens, (Finkielkraut, Glucksman, B. H. Lévy, etc.), qualifiés par Maurice Tarik Maschino de « nouveaux réactionnaires » [14], le romancier américain Paul Auster avait noté dans son livre Léviathan : « Si de nombreux Américains sont fiers de leur drapeau, de nombreux autres en sont honteux, et pour chaque personne qui le considère comme un objet sacré, il y en a une qui aimerait lui cracher dessus, ou le brûler, ou le traîner dans la boue. »

L'humanité aura encore à subir et à souffrir pendant quelques décennies de la puissance des WASP du complexe militaro-industriel, jusqu'au jour où, chaque chose possédant en elle-même les germes de sa destruction, leur arrogance finira par faire imploser cette mécanique bien huilée, entièrement tournée vers l'intérêt et le profit au détriment des droits élémentaires des peuples. En 1829, un capitaine anglais, du nom de Bedford H. Wilson, compagnon d'armes du révolutionnaire sud-américain Simon Bolivar, émit un jugement prémonitoire sur les Etats-Unis : « Plus je vois ce pays extraordinaire, plus je suis stupéfié des grands progrès qu'il fait et qu'il continue de faire. Quelques jours, peut-être, il se démembrera ; je le désire pour le bien de l'humanité. Sinon, ce colosse sera encore plus terrible que les hordes de la Russie. Son ambition dépasse ses progrès ; elle est plus vaste que son territoire. Il ne sera satisfait que lorsqu'il sera le maître des destinées du monde. » [15]

Khelifa Mahieddine


Notes de renvoi

[1] Francès Perkins dans The Roosevelt I knew, Hammond & co, 1948.
[2] Le NRC considéré comme l'embryon du complexe par Mike Davis.
[3] Mike Davis, dans City of Cristal, cité par Philippe Grasset, revue des deux mondes juil/août 1995.
[4] Mike Davis op. cit.
[5] John K. Galbraith dans Le temps des incertitudes, cité par Philippe Grasset op. cit.
[6] Tom Gervasi, The Myth of Soviet Military Superiority, Harper & Row, New York, 1986.
[7] Herbert York, Race to Oblivian, Clarion, New York, 1970.
[8] Foreign relations of US 1945, Vol VIII cité par S. Zunes dans La poudrière.
[9] Cité par André Kaspi, dans Guerre du Golfe, une victoire pour quoi faire ?
[10] Philippe Grasset dans la revue Géoéconomie, mai 1997.
[11] L'ensemble de ces chiffres ont été donnés par P. Grasset, dans la revue Géoéconomie, mai 1997.
[12] www.senat.fr.
[13] www.senat.fr op. cit.
[14] M. T. Maschino dans Les nouveaux réactionnaires, Le Monde diplomatique, octobre 2002.
[15] Dans lettre citée par Marius André, en note dans le livre Entretiens avec le général Mangin sur l'Amérique, cité par Philippe Grasset op. cit.



dimanche 27 mars 2016

Science élégante #3 : 4 nébuleuses...fabuleuses


M57- Nébuleuse de la Lyre 


Située à 2283 années-lumière de la terre, M57, appelée également nébuleuse de la lyre est une nébuleuse planétaire située dans la constellation de la Lyre. Elle est l’un des objets les plus spectaculaires de la voûte céleste. Elle fut découverte en 1779 par Antoine Darquier de Pellepoix.

Il s’agit en fait de coquilles de gaz éjectées par une géante rouge contenant initialement plusieurs fois la masse du soleil. Ces éjections ont débuté il y a environ 4000 ans, mais elles ont maintenant cessé car l’étoile est devenue une naine blanche.
Nébuleuse de la Lyre (Photo Hubble)
http://hubblesite.org/newscenter/archive/releases/1999/01/image/a/



NGC 6543- Nébuleuse de l'œil de chat 

La nébuleuse de l’œil de chat, aussi appelée NGC 6543, est la nébuleuse planétaire la plus brillante du ciel et l’une des plus spectaculaires. D’un âge estimé à un millier d’année, elle est située à une distance de 3262 années-lumière de la terre dans la constellation du Dragon

Découverte le 15 Fevrier 1786 par William Herschel, elle est la première nébuleuse planétaire dont le spectre fut étudié, par l'astronome amateur anglais William Huggins en 1864.

Alors que la nébuleuse intérieure, avec un diamètre de 20 secondes d'arc, est plutôt petite, elle possède un halo de matière très étendu qui a été éjecté par l'étoile qui l'a engendré pendant sa phase de géante rouge.
Nébuleuse de l'oeil de chat ( Crédit: NASA, ESA, HEIC, and The Hubble Heritage Team)
http://www.nasa.gov/multimedia/imagegallery/image_feature_211.html

NGC 7293- Nébuleuse de l'hélice (l’œil de Dieu)

Découverte en 1824 par Karl Ludwig Harding, cette nébuleuse planétaire est située dans la constellation du verseau à une distance de 694,7 années-lumière ce qui fait d’elle la nébuleuse planétaire la plus proche de la terre. Sa forte ressemblance avec un œil humain lui a valu le surnom de « L’œil de Dieu ».

Elle s’est formée quand une vieille étoile, incapable de garder ses couches externes, a progressivement éjecté des coquilles de gaz. 
Nébuleuse de l'hélice
Credit: NASA, NOAO, ESA, the Hubble Helix Nebula Team, M. Meixner (STScI), and T.A. Rector (NRAO)
http://hubblesite.org/newscenter/archive/releases/2003/11/image/a/

M42- Nébuleuse d'Orion (ou NGC 1976)


La nébuleuse d'Orion, aussi connue sous le nom de M42 ou NGC 1976, est une nébuleuse en émission/réflexion au cœur de la constellation d'Orion

Située à environ 1350 années-lumière de la terre, elle est la nébuleuse diffuse la plus luisante qui peut être visible à l’œil nu dans un ciel de nuit sans pollution lumineuse. Elle est la partie principale d’un nuage de gaz et de poussière appelé nuage d’Orion qui contient en plus la Boucle de Barnard et la nébuleuse tête de cheval.


La nébuleuse d'Orion fut découverte en 1610 par Nicolas-Claude Fabri de Peiresc qui fut apparemment le premier à remarquer son aspect nébuleux.
Nébuleuse d'OrionCredit: NASA,ESA, M. Robberto (Space Telescope Science Institute/ESA) and the Hubble Space Telescope Orion Treasury Project Team
http://hubblesite.org/newscenter/archive/releases/2006/01/

mardi 15 mars 2016

Seul un homme en paix avec son créateur...


«Seul un homme en paix avec son Créateur peut trouver le sommeil dans un lieu de culte. [...] Je ne suis pas de ceux dont la foi n'est que terreur du Jugement, dont la prière que prosternation. Ma façon de prier? Je contemple une rose, je compte les étoiles, je m'émerveille de la beauté de la création, de la perfection de son agencement, de l'Homme, la plus belle oeuvre du Créateur, de son cerveau assoiffé de connaissance, de son coeur assoiffé d'amour, de ses sens, tout ses sens, éveillés ou comblés.» 

Omar Khayyâm

jeudi 10 mars 2016

EGON SCHIELE (1890 - 1918) : Biographie et œuvres


"L'art, ne peut pas être moderne, l'art est éternel."

Egon Schiele est né en 1890 à Tulln, dans une petite ville proche de Vienne en Autriche. Dès l'enfance il exprime un réel talent pour le dessin. Son père, qui exerce le métier de chef de gare l'encourage dans cette voie, mais atteint d'une maladie mentale, il meurt en 1905. 
Ce décès précoce ternit la jeunesse de Egon Schiele, et lui procure une vision du monde qui dès lors sera souvent sombre et torturée. 
Il décide contre l'avis de son tuteur Leopold Czihaczck, de poursuivre le dessin et d'entrer à l'Académie des Beaux-Arts de Vienne. Mais il trouve que l'enseignement y est beaucoup trop académique, et il quitte les Beaux Arts en 1909 pour créer avec ses amis le  "Seukunstgruppe" ( Le Groupe pour le Nouvel Art).

La soeur de l'artiste, Mélanie, 1908, huile sur toile, 51 × 30 cm, Collection privée
Ses premiers travaux s'inspirent de l'impressionisme, mais très vite, il est attiré par la Sécession Viennoise. Son travail est alors très marqué par les travaux de Gustav Klimt. Mais d'autres influences telles que celles de Van Gogh, de Hodler, et de Georges Minne jouent aussi un rôle essentiel dans l'évolution et la construction de son style. ll peint des portraits, car ils sont pour lui à l'époque une activité lucrative. L' une des œuvres qui marque alors un tournant dans l'évolution de son travail pictural est le "Portrait de Gerti Schiele ", sa sœur, qu'il peint en 1909 . Il la  représente sur un fond vide, monochrome et uniforme. Cette mise en valeur du sujet sur des fonds monochromes sera l'une des caractéristiques de son style et marquera beaucoup d'oeuvres qu'il réalisera par la suite.
Portrait de Gerti Schiele, 1909, huile sur toile, 140 × 140 cm, Museum of Modern Art, New York, USA
Femme avec chapeau noir, 1909, huile sur toile, Collection privée
C'est à partir des années 1910 qu'il commence donc à affirmer ce style plus personnel caractérisé par le dépouillement de la forme, la sobriété du contenu, l'utilisation d'arrière plans sans ornement, sur lequel le personnage ou le sujet se détache. De plus, Schiele attache un très grande importance aux autoportraits. Il ne cherche pas à représenter sa condition sociale ni son état émotionnel, mais il cherche à transcrire l'intériorité angoissée du moi, par les positions excentriques du corps ou des mains qu'il peint. Ces positions non conventionnelles, les poses extrêmes, les traits déformés et grimaçants, créent une distance avec le spectateur et lui cause une gêne, voire une tension.
Portrait d'Eduard Kosmack, 1910, huile sur toile, Österreichische Galerie Belvedere, Vienna, Austria
Autoportrait avec bras sur la tête, 1910, aquarelle sur papier, 45.1 x 31.7 cm, Collection privée
Egon Schiele dessine vite. Il a un "coup de crayon", qui constitue une caractéristique à part entière de son art. Pour lui, le dessin a une valeur pour son côté allusif, immédiat, spontané, inachevé. La coloration des dessins sert qu'à renforcer l'expression qu'il veut donner au sujet. Mais il  évoluera progressivement en donnant aux parties arrondies du corps des formes anguleuses soulignées de traits fins, et précis. Il lui arrive aussi parfois de ne pas achever le dessin, de ne pas traiter le sujet jusqu'au bout, et de laisser le tableau inachevé. 
Autoportrait aux mains sur la poitrine, 1910, aquarelle sur papier, Collection privée
Le lutteur, 1913, Collection privée
Femme aux bas noirs, 1913, aquarelle sur papier, Collection privée
Egon Schiele enferme ses sujets dans des contours soulignés et bien visibles. Ses coloris sont les tons bruns, rouges, noirs et verts qui amplifient l'aspect dérangeant et inquiétant de ses peintures. La pâleur des chairs invoquent la mort. Cette manière d'utiliser les couleurs accentue la force expressive, et froide des compositions.
Amoureux Homme et femme, 1914, huile sur toile, Collection privée
Autoportrait double, 1915, aquarelle sur papier, Collection privée
Dans son œuvre, le nu occupe une place très importante. Il est en effet fasciné par le corps humain, par sa précarité et par les pulsions dont il est l'objet. Le corps de le femme l'inspire et il peint au cours des années des toiles dont les modèles prennent des positions de plus en plus provocantes. Les personnages sont souvent dans des poses figées, sans expressivité, mais remplies d'angoisse. C'est ainsi que le nu érotique et obscène a une place importante chez Schiele, qu'il représente le sexe masculin ou féminin, c'est toujours de manière univoque.
Femme nue, 1910, 44.3 x 30.6 cm, Albertina, Vienna, Austria
Homme nu assis, 1910, huile sur toile, 152.5 x 150 cm, Leopold Museum, Vienna, Austria
Schiele donne aussi aux mains une grande importance. La main, et le geste sont généralement très expressifs et prennent aussi des poses particulières, voire énigmatiques qui influencent profondément le caractère du tableau, ou sa signification. Les mains, tout comme les visages semblent être pour Egon Schiele non pas des moyens de communiquer au sens habituel, mais des moyens d'exprimer son être profond en dehors de toute convention sociale.
Willy Lidl, 1910, aquarelle sur papier, Collection privée
La signature elle même de l'artiste prend un sens dans ses tableaux. Il accorde beaucoup d'importance à la composition de celle ci où il indique son prénom, son nom et la date sous une forme close, comme un cachet d'authentification.
Selon les toiles, il appose parfois une ou plusieurs signatures, signifiant en cela celles qui étaient plus importantes pour lui. D'autres ne sont pas signées, sans doute pour mettre en évidence leur côté inachevé qu'il leur accorde. Sur certains dessins, la signature est placée à l'inverse du sens du dessin pour la lire, pour créer la distance par rapport à ce que l'on voit.

L'originalité totale d'Egon Schiele est finalement qu'il  fait du corps humain un puissant support de l'expressivité.
Au cours de l'année 1910, il peint un grand nombre de nus expressifs. ll quitte Krumau en 1911 et s'établit à Neulenbach pour vivre avec son modèle Valérie Neuziel, dite Wally.
En 1912, à la suite d'une condamnation pour distribution de dessins immoraux, il se voit confisquer quelques-uns uns de ses dessins érotiques, et fait trois jours de prison à la suite du procès de Sankt Polten. Son sentiment d'injustice et de révolte grandit : il réalise un certain nombre de dessins érotiques de plus en plus provocants. Sa révolte contre la société est exacerbée et trouve son expression dans un certain nombre d'œuvres comme par exemple "Le Cardinal et la Nonne" ou dans des autoportraits où il se peint en une victime incomprise.
Le cardinal et la nonne, 1912, huile sur toile, Léopold Museum
Vienne
Egon Schiele  et Valérie Neuziel se séparent en 1915. Le 17 juin de la même année, il épouse Edith Harms. Il est peu après mobilisé à Prague puis à Vienne.
L'art de Schiele évolue et semble devenir plus équilibré : les thèmes ne sont plus les mêmes, les corps sont moins torturés et moins fragiles. Il peint en 1918 un tableau intitulé " La Famille" qui caractérise particulièrement cette évolution
Cette année là, son œuvre connaît un véritable succès à l'exposition de la Sécession Viennoise. La plupart des tableaux qui y sont exposés sont vendus.
Quelques mois plus tard , le 28 octobre sa femme meurt de la grippe espagnole et lui même succombe de la même maladie trois jours plus tard, le 31 octobre 1918.
Etreinte, 1917, huile sur toile, 100 x170,2 cm, Osterreichische Galerie im Belvedere, Vienne 
Femme assise à la jambe repliée,1917, Craie noire et gouache (détail), National Gallery,Prague

Un petit documentaire sur schiele (anglais)

                http://www.wikiart.org/

lundi 7 mars 2016

Haïkus de Matsuo Bashõ


Le chêne
sa mine indifférente
devant les cerisiers fleuris


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Jour de l’an
je revois que je suis aussi seul
qu’un jour d’automne

Ito SHINSUI ( 1898 - 1972 )
Rien ne dit
dans le chant de la cigale
qu’elle est près de sa fin.


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Neige qui tombait sur nous deux 
es-tu la même 
cette année ?

Suzuki Harunobu (1725–1770)

Au festival des étoiles 
les cœurs ne peuvent se rencontrer 
extase de pluie


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L’automne est arrivé
venant visiter mon oreille
un oreiller de vent


Itou Shinsui  (1898-1972)

Et maintenant
allons contempler la neige
jusqu’à tomber d’épuisement !


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La rosée goutte, goutte
voulant rincer enfin
la poussière de ce monde


Seien Shima(1892ー1970)

Le parfum d’orchidée
des ailes du papillon
parfume les habits


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De quel arbre en fleur ?
je ne sais 
mais quel parfum !


Tatsumi Shimura (1907-1980)

Ce chemin 
seule la pénombre d'automne
l'emprunte encore.


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Mes larmes grésillent
en éteignant
les braises.

Iwata Sentaro (1901 - 1974)
Désolation hivernale – 
dans le monde monochrome 
le bruit du vent.


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Devant l'éclair 
sublime est celui
qui ne sait rien !


Kikugawa Eizan (1787-1867)